Ce billet est dédicacé à Pierre I. de Bayonne.

L'affiche

J'avais vu en décembre cette affiche pour le match de football France-Espagne. J'étais en correspondance ferroviaire, j'étais fatigué et j'avais cru faire un mauvais rêve. Camille vient de me confirmer son existence et je suis atterré.

Cette affiche présente les équipes françaises et espagnoles.

Côté français, nous avons les mots :

  • "Enthousiasme"
  • "Cohésion"
  • "Conquête"

Côté espagnol, nous lisons :

  • "Espectaculo"
  • "Fiesta"
  • "Olé"

La polémique

Pas besoin d'être un fin connaisseur de l'Espagne pour trouver cette affiche louche. "Fiesta" ?!? "Olé" ?!? De qui se moque-t-on ? Des espagnols ? Des français, seuls destinataires de cette affiche ? De tout le monde ?

Les commentaires présents sur le billet de Mariel75 évoquent du "racisme" et du "chauvinisme" à l'encontre des espagnols. Oui, sans doute. Je n'utiliserai pas le terme "racisme" dans ce cas précis mais l'idée est là.

Mais l'intention du créateur de l'affiche était-elle de déprécier les espagnols ? J'en doute. Je me permet même de penser le contraire.

¡ "Fiesta", "Olé" y "Churros" !

Tous les peuples sont caricaturés, parfois jusqu'à leur réduction à une poignée de poncifs déshumanisant. Vous voyez de quoi je parle.

Lorsque le discours s'envenime, ce sont les amoureux du peuple attaqué qui sont les mieux placés pour relativiser, replacer les idées dans leur contexte et rappeler à l'auditoire toute la finesse et toute la richesse de ce peuple et de sa culture. En bref, briser la caricature.

Cependant, je constate que peuple espagnol souffre d'une image bâtie conjointement par ses détracteurs et par ses inconditionnels.

En effet, que disent les détracteurs du pays des novilladas ? L'Espagne c'est "Olé", "Fiesta" et "Churros". Soit : L'Espagne est pays rustre, pauvre en pensée, en culture et en savoir-faire culinaire.
Et que disent les aficionados du pays des paellas ? L'Espagne c'est "Olé", "Fiesta" et "Churros". Soit la même chose ! Mais venant d'eux, ça se veut sympathique et valorisant.

Paradoxaux aficionados

Finalement, le plus grand danger que court un peuple, ce n'est pas de subir des critiques (moi-même je n'ai pas toujours été tendre avec certains aspects culturels de nos voisins ultra-pyrénéens, mes amis peuvent en témoigner), mais d'être réduit à l'état de concepts simples, de caricatures.

J'ai vécu 20 ans très près de la frontière espagnole où règne une hispanomania crasseuse qui s'efforce à dresser le tableau sur-valorisant d'une Espagne sympathique et festive (par opposition à une France prétendument triste et moribonde). J'ai entendu à ce sujet toutes sortes de discours plus ou moins fantaisistes.

Mais je n'en ai que très rarement entendus accordant à ce pays sa part de profondeur et de gravité, rappelant que l'Espagne c'est 42 millions de personnes, une histoire tumultueuse et riche, un présent pluriel avec ses aspects sombres et lumineux.

C'est pour ça que je ne suis pas persuadé que l'auteur de cette affiche ai voulu déprécier les Espagnols. Peut-être aime-t-il l'Espagne autant que ces festayres au vin mauvais qui viennent me lourder avec leur pays imaginaire pendant les Fêtes de Bayonne. Mais, comme eux, en la résumant à "Olé" et "Fiesta", il montre qu'il ne la comprend tout simplement pas.