La première fois, c'était en octobre dernier. Je faisais une promenade dans les montagnes basques avec André, Romain et Camille, destinée à nous ouvrir l’appétit en vue de la gargantuesque pièce de bœuf qui nous attendait dans une proche venta. Profitant de la marche vive, de la chaleur des rayons du soleil traversant les branches des chênes pédonculés, de la fraicheur du petit ruisseau qui alimentait le moulin en contre-bas, j'étais détendu. Mais j'étais aussi constamment en alerte, les sens sans cesse sollicités par une infinité de petits stimulis, odeurs, sonorités, visuels... auxquels Paris ne m'a pas habitués ces dernières années. En pleine marche, je me suis senti pris d'un petit vertige. Pas un malaise, une ivresse plutôt. Ça a duré quelques secondes, mes amis n'ont rien remarqué et j'ai mis ça sur le compte de la fatigue.

Ensuite, il y a eu l'Île des Pins le mois dernier. Après une promenade en bateau en famille, nous avons suivi une piste dans la forêt tropicale, du rivage de la baie d'Upi à la piscine naturelle de Wété. Une marche très agréable, sans grandes difficultés, l'aventure pépère. Pourtant, pas après pas, le long des feuillages frémissants, au milieu des sifflements étouffés, avec le relief changeant sous mes pieds, et milles sollicitations olfactives... encore un instant de vertige, d'ivresse.

Enfin, cet après-midi, la rain forest des Montagnes Bleues, sûrement la plus belle forêt que j'ai parcourue dans ma vie. L'ivresse m'a pris, soudainement, puissamment. Une grande partie de mon parcours a eu lieu dans des chemins très balisés, mis en place afin de ne pas abîmer la flore, ce qui a atténué l'impact. Je n'ose imaginer le trip que j'aurai vécu si j'avais été plongé toute la journée, sans interruption, dans cette forêt.

Cette ivresse est due un épuisement de mes sens, qui sont soumis à de nombreux signaux inconnus. Ou alors, c'est mon petit syndrome de Stendhal à moi.

En rentrant sur Sydney, par bateau sur la rivière Parramatta, je me demande si les personnes vivant dans la forêt et ne se rendant que rarement en ville, font elles aussi l'expérience d'une telle désorientation lorsqu'elles se retrouvent dans une métropole telle que Sydney ou Paris.