Attention, on ne rigole plus, on passe au sujet qui fâche. La guerre entre le Chili et le Pérou a beau s'être terminée en 1883 et les différents frontaliers réglés en 1929 (avec la Bolivie, c'est encore aujourd'hui plus compliqué), il reste encore un sujet qui envenime les relations entre les deux pays : le pisco et le pisco sour.

J'aime beaucoup les cocktails sours, qu'il soient préparés avec du sucre ou avec du triple-sec. J'adore aussi les brandys. Et le pisco sour a vraiment une place particulière dans le paysage mixologiste (et donc dans mon cœur foie) comme le montre l’inévitable diagramme de Venn :

Pendant des années, j'ai été "chauffé" sur le sujet par le traditionnel apéro "Hola Chica" de Xori (alias "Le Ded") organisé à l’improviste à chaque Fêtes de Bayonne. Mais maintenant je suis sur place. Après avoir bu de nombreux pisco sours chiliens au Chili, je voulais attendre Lima pour tester avec dévouement et application les pisco sours péruviens, mais le charme irrésistible d'Arrequipa m'a mis à la besogne dès lundi. Je pense en avoir désormais assez bu pour me prononcer. Que le match commence.

Round 1 : le pisco

Au Chili, le pisco est distillé à partir d'un vin complètement fermenté a la manière de la grappa ou du marc de bourgogne. Au Perou, le pisco est distillé comme un cognac ou un armagnac, à partir d'un vin jeune. Je crois que c'est clair.

Round 2 : la recette

Au Chili, la recette est plus sucrée (ce qui n'est pas un inconvénient car on ne m'a jamais servi un verre écœurant) et plutôt simple :

  • Base : Pisco chilien
  • Corps : Jus de citron jaune
  • Additifs : Sucre en poudre

Cependant, on m'a parfois servi des pisco sour avec du blanc d’œuf a Santiago.

Au Pérou, le blanc d’œuf est systématique et il y a un amer en plus (qui génère une décorative petite tâche brune sur le haut de la crème) :

  • Base : Pisco péruvien
  • Corps : Jus de citron vert
  • Additifs : Sirop de sucre de canne, blanc d'oeuf et angostura bitters

Des variantes intéressantes sont souvent proposées, j'ai particulièrement apprécié celle à la prune locale.

Round 3 : le cocktail "compagnon"

Parcequ'une soirée entière au pisco sour, ca peut lasser à la longue....

Au Chili, le Piscola est très simple (est-ce vraiment un cocktail ?) :

  • Base : Pisco chilien
  • Corps : Cola ou ginger ale

Au Pérou, le Chicano est un cocktail de type cooler :

  • Base : Pisco péruvien
  • Corps : Jus de citron vert
  • Additif : Angostura bitters
  • Diluant : Ginger ale

Verdict

Sur tous les points, le Pérou gagne. Le Chili ne peut pas être toujours le vainqueur. Mais il s'en sort dignement quand même. C'est sympa de voir a tel point les deux pays se sont appropriés ce cocktail.

Après, oui, je sais, ils se bataillent sur l'origine et la qualification du cocktail, une lutte qui peut être particulièrement teigneuse ("Pisco es Peru", le jour du pisco sour..) et vicieuse (contrôles douaniers, appellations "aguardiente"...). Ce n'est pas le sujet le plus intéressant concernant ce délicieux breuvage.

Je dois tout de même avouer que mon avis était un peu biaisé :

  • Je l’écris de retour de l’hôtel Marriot de Lima où le pisco sour est à 4€ (6€ après 21:00), l'un des meilleurs plan cocktail de mon voyage
  • Par jeu, j'avais réussi le mois dernier à faire avouer à deux chiliens, dont la "Piscolera", que les pisco sours étaient meilleurs au Pérou (en leur faisant boire du pisco chilien, le comble).

Aux prochaines Fêtes de Bayonne, on fait un battle de pisco sours ?