En Finlande, on ne se touche pas. Les filles ne se font pas la bise, les garçons ne se serrent pas la main ni ne font la bise aux filles. On peut aussi croire qu'il n'existe pas de couples à Helsinki si on oublie que les amoureux sont seulement très pudiques.

Hormis le vertige qui me prend quand je pense que ça fait presque un mois que je n'ai pas touché un autre corps que le mien - excepté celui d'une petite allemande que j'ai innocemment chatouillée au début de la semaine (elle s'appelle Nadine, je précise ceci parcequ'elle s'est plainte de ne pas être citée sur mon carnet) - cette règle sociale ne me dérange pas le moins du monde.

Cependant, je veux vous rapporter un moment cocasse de ma journée d'hier. Je me suis retrouvé coincé entre deux portes face à face avec une amie finlandaise rencontrée à Strasbourg où elle faisait son année d'échange. Nous nous connaissons bien et je ne compte plus le nombre de fois que nous nous sommes fait la bise l'année dernière. Face à cette situation inédite, votre pauvre Pierre ne savez plus quoi faire : bise ou pas bise ?

J'opte pour l'affirmative et me penche juste un peu, juste le temps de constater que je m'apprêtais à faire une bêtise. Là je compris que le fait que l'on soit les mêmes personnes ne compte pas. Ce qui est important, c'était l'endroit où on se trouve : en France elle suivait mes règles et on se faisait la bise, ici on est chez elle et on ne se touche pas.

En fait, ce qui m'a sûrement le plus gêné c'est d'imaginer que la multitude de bises qu'elle a faites durant un an étaient sous la contrainte sociale, et peut-être même avec dégoût. Pauvre petite finlandaise !

Après cet incident, alors que j'attendais le bus en pensant à ce billet, j'étais heureux de constater qu'il fait beau et chaud à Helsinki, et ce depuis mon arrivée. Je souriais en pensant à tout ceux qui m'avaient prédit un mois de septembre glacial quand une brise marine ayant l'esprit de contradiction (si l'âme est un souffle, pourquoi les brises ne pourraient-elles pas avoir un esprit ?) s'engouffra dans la ruelle pour me glacer tout le corps.
Je corrige : il fait beau et chaud à Helsinki, mai seulement lorsque l'on est à l'abri.