Il y a deux mois demain, le 14 janvier 2011, la Révolution de Jasmin s'accomplissait en faisant fuir Ben Ali. Depuis, l'Égypte s'est révoltée, la situation a dégénéré en Libye et à Bahreïn, et de vagues promesses ont été faites aux marocains.

Le cas tunisien me touche particulièrement. J'ai voyagé 10 jours en Tunisie avec mon père et ma sœur en 1998 et ce fut ma première immersion dans une société dictatoriale. Cette semaine a grandement participé au façonnement de mes opinions politiques. Quelques jours après mon retour, à la suite de la lecture de Notre ami Ben Ali de Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi, j'avais même créé un site Web reprenant les passages forts du livre avec mes photos de vacances comme illustration.

La démocratie comme horizon

Le Monde n'a jamais été aussi démocratique qu'aujourd'hui et "seulement" le tiers de la population vit actuellement sous un régime autoritaire, comme le montre l'indice de démocratie établi par le magazine The Economist.

Cet indice est très intéressant car il montre que la démocratie n'est pas un état mais l'une des limites d'un curseur flottant. Aucun régime n'est purement démocratique ni purement dictatorial ou tyrannique, et la séparation entre ces différents types de régimes n'est pas nette. Ce curseur glisse sans cesse, dans un sens comme dans l'autre, même en période de stabilité. Mais il peut aussi faire des sauts, lors de révolutions ou de coups d'état.

La démocratie en France

L'exemple de la France est d'ailleurs frappant. Si ce pays est aujourd'hui incontestablement démocratique, il l'est de moins en moins depuis la sinistre année 2007. Et l'absence de point de rupture dans le parcours du curseur fait que nous pouvons passer à un régime hybride voire autoritaire petit à petit, sans même nous en rendre compte.

Ainsi, chaque fois que nous renonçons à une liberté, aussi anecdotique soit-elle, même pour une raison a priori légitime, nous ne devons pas nous réfugier derrière l'excuse classique proclamant que de toute façon, nous sommes en démocratie. Car c'est peut-être ce renoncement précis qui fera que, d'un coup, nous n'y sommes plus.