Les indonésiens n'utilisent ni filtre ni piston quand ils font infuser le café, ce qui lui donne un goût très amer. Ils le mélangent donc avec beaucoup d'eau et/ou de sucre pour compenser, ce qui est souvent dommage. Cependant, j'ai essayé lors de mon séjour dans l'île de Java deux astuces assez curieuses pour boire des cafés plus doux et goutus : le kopi joss et le kopi luwak.

Kopi Joss

C'est une spécialité des rues de Yogyakarta. Elle consiste tout simplement à ajouter dans la tasse, lors du service, l'un des charbons incandescent qui a permis de faire bouillir le café, et de le laisser flotter quelques minutes.

Je suis tombé sur cette pratique par hasard, lors de l'une de mes promenades dans la ville, et franchement c'est pas mal. Cependant, même s'il n'était que faiblement sucré, je n'ai pas pu obtenir un kopi joss sans sucre. Donc, j'ai du mal à évaluer l'effet du charbon sur la douceur du brevage. Ni sur sa toxicité.

Si ça vous intéresse, James Clark en parle aussi sur son blog.

Kopi Luwak

Hé hé ! Celui-ci est plus cocasse et mon histoire aussi. Tout d'abord, sachez que la vie n'est vraiment pas chère en Indonésie (à Bali et à Yogyakarta, du moins) pour un européen. Par exemple : pour moins de 2€ on a un repas de qualité, pour environ 8€ on peut dormir une nuit dans une chambre individuelle d'un hôtel décent, et pour moins de 30 € on peut louer un chauffeur avec voiture pendant toute une journée.

J'étais donc terriblement gêné quand, au terme d'une journée de ballade à la campagne (Borobudur, Prambanan, sympa la ballade…), je suis passé devant un élevage de civettes et j'ai demandé à mon chauffeur (Supri, un gars super, on se comprenait alors qu'il ne parle pas anglais) de s'arrêter pour que je puisse boire un café hors de prix issu de leurs crottes.

Je savais qu'on faisait du café à partir des crottes de la civette (le petit animal aime la baie du caféier mais ne digère pas son grain) car on m'en avait proposé en décembre à Corica à Bruxelles. Il s'agirait du café le plus cher du monde, surtout après export. Je m'arrête donc et je vois mon chauffeur, l'air inquiet, me chuchotant : « Expensive, expensive ». Je me renseigne auprès de la patronne : 25€ la tasse. Oui c'est cher.

Mais j'étais prêt à payer ce prix là. Il y a en gros trois types de Kopi Luwak : le luxueux qui est issu de crottes de civettes sauvages ramassées artisanalement dans la forêt, l'industriel et plus accessible qui est issu d'élevage de milliers de civettes en batterie, souvent dans de conditions horribles (c'est pour ça que, dans le doute, je n'ai pas voulu essayer à Bruxelles), et puis, un peu entre les deux, il y a ces « home industry », petits producteurs avec quelques bêtes en cage, chez qui on peut prendre un café à côté de l'animal qui l'a digéré quelques heures plus tôt.

Bon, je vous montre une photo d'une des bestioles, ça brise un peu le cœur mais c'est pas très différent des cages à lapin de nos campagnes :

De toute manière, plus que le sort de l'animal, c'était l'arbitrage entre la satisfaction de ma curiosité et ma relation avec Supri qui m'inquiétait sur le moment. Comment pouvais-je boire devant lui un café qui coûte autant qu'une journée de son travail (donc peut-être deux jours de revenu) ? Pour jouer la montre, j'ai blagué un peu avec la patronne (super sympa, mais complètement terrorisée par ses civettes. Quand j'imagine cette séance photo, je suis mort de rire).

Finalement, par respect pour Supri, j'ai décidé de revenir en catimini le lendemain. Verdict : c'est bien bon. À essayer une fois dans sa vie. De préférence dans cette belle île de Java.