Mes plus vieux lecteurs s'en souviennent, avant de s'appeler "Une maille dans la nappe pensante", le présent carnet Web était initulé "L'Usine de Bétel" entre 2005 et 2008. L'expression était issue d'une poésie/chanson que j'avais écrite en 2003 : "Sables mouvants".

Quand j'ai parcouru le sol birman tacheté de salive rouge l'année dernière, j'ai évidemment eu envie d'essayer. Malheureusement, j'avais gardé l'expérience pour les derniers jours du voyage et un imprévu gastrique m'a empêché d'y goûter. Et ça m'a laissé un petit regret...

Je ne m'attendais pas à en trouver au Vietnam. Cependant, dès le troisième jour, les crachats rouges sont réapparus sur les ciments et les graviers. Une piste ! J'étais dans une zone bétel. Me portant à merveille, me sentant suffisamment fort pour affronter la substance, je n'ai pas voulu laisser passer cette chance.

Nous étions sur le port de Cat Ba Town, plus exactement dans son marché. L'équipement industriel vétuste et rouillé attendait que les retombées du tourisme lui profite un peu. Les hôtels construits à la hâte dans les années 2000 et décrépis par l'humidité de la baie d'Halong avait l'air d'avoir été abandonnés il y a 40 ans. Le ciel était bas et menaçant. Au fond, les magnifiques karsts boisés dessinaient un horizon accidenté et invitaient à l'aventure. C'est maintenant !

La noix d'arec a été préparée par la vendeuse de faux billets : lavée dans un saut d'eau croupie, enroulée dans une feuille de bétel et mélangée avec de la chaux. Il fallait mâcher vingt minutes, j'ai recraché au bout de cinq. Le kava était dégueulasse mais se buvait cul sec. Un sprint. Garder cette atrocité dans la bouche pendant si longtemps, c'est un marathon.

Oui, j'étais sujet à l'ivresse à la suite de la prise, pendant une demi-heure. Ça m'a permis de particulièrement apprécier le chargement de la glace d'un bateau frigorifique. J'étais un peu groggy et alerte en même temps, mais je ne sais pas si c'est à mettre au crédit des vertus du bétel ou de la plainte désespérée de mon corps ("mais pourquoi tu m'infliges ça ?!?").

Je n'ai payé la préparation que quelques centimes d'euros. Mais les conditions d'hygiène m'ont couté ma santé pendant les 24 heures qui ont suivi. J'en menais pas large. C'est ça le prix du bétel. Pay the cost to be the boss !