Officiellement, 81% des vietnamiens sont sans religion (athéistes / agnostiques). C'est le Parti qui le dit. Ainsi, il s'agirait du deuxième pays le moins religieux du monde après la Suède. Une source plus indépendante affiche le taux de 30%, ce qui place tout de même le pays à la treizième place mondiale. Pourtant...

À première vue, le pays semble bien avoir abandonné le champ religieux et déserté ses lieux sacrés. On entre dans la cathédrale d'Hanoi par la petite porte, un message nous avertit que le nombre de messes va être réduit, faute de fidèles. À Hoi An, les vietnamiens errent dans les temples taoistes chinois comme le font les touristes occidentaux. Certaines personnes prient, parfois, mais rien de comparable avec ce que j'ai pu voir en Birmanie. La plus grande démonstration de ferveur que j'ai vue était devant une statue de Confucius (ici une figure littéraire) à l'académie des mandarins d'Hanoi.

Pourtant, des indices spirituels, plus subtils que les grandes célébrations, se dévoilent au fur et à mesure de la découverte du pays. Dans chaque maison, dans chaque boutique, un petit coin est dédié au culte des ancètres. Un coin avec des LED, bien sûr. Les vietnamiens pensent en effet que les morts attendent d'avoir 4 générations de descendants avant de se réincarner (qu'arrive-t-il à ceux qui n'ont pas d'enfants ?), il faut rendre hommage aux ancètres proches car ils sont toujours parmi nous. Et surtout, des symboles, des statues, un peu partout. Et souvent quelqu'un devant, en train de réciter une prière ou de s'incliner. Ces symboles peuvent mélanger l'imagerie de plusieurs religions (comme le Cao Đài qui mélange les anciennes croyances paiennes locales avec le taoisme et le catholicisme) ou n'être attachés à aucune. En s'asseyant quelques minutes dans la cour centrale du grand marché de Cholon, on obsèrve des passants se recueillant et brûlant de l'encens devant le mémorial qui célèbre la construction du batiment et son promoteur.

Ce syncrétisme est si souple qu'il englobe parfois aussi l'imagerie officielle communiste. Sur l'île de Con Dao, un drapeau bouddhiste est orné d'une faucille et d'un marteau. Dans notre hôtel, à Saigon, un bouddha debout en position de protection fait équipe avec un buste d'Ho-Chi Minh. Ce qui n'est pas étonnant car le culte de la personnalité a fait de l'Oncle Ho une figure prophétique, quasi-christique.

Oui, les religions organisées semblent avoir marqué le pas au Vietnam. Le Parti n'a plus vraiment de concurrents institutionnels. Mais le fait religieux n'a pas disparu pour autant. Comme la vie, il a su prendre un autre chemin, son chemin.