Les incas ont construit la cité du Machu Picchu dans un lieu difficilement accessible, invisible depuis le bas de la montagne. Les conquistadores de Pizarro ne l'ont jamais découverte et elle ne fut retrouvée qu'en 1911, après cinq siècles d'oubli.

Aujourd'hui encore, la célèbre cite sacrée est difficilement accessible. En tout cas, j'ai trimé pour avoir les bonnes infos (pas grand chose sur le Web et des locaux étonnamment obscurs à ce sujet) et pour faire le trajet. Et apparemment je suis loin d'être le seul. Ces longues soirées de routards à nous raconter toutes nos galères... à nous écouter, on se croirait dans un roman de Joseph Conrad, alors qu'il s'agit du principal site touristique du Pérou.

Je partage donc mes petites connaissances avec vous, avec une petite carte en bonus :

De Cusco à Aguas Calientes

Cusco est l'ancienne capitale de l'empire Inca et la grande ville de la région. Aguas Calientes est une vilaine petite station touristique au pied de la montagne Machu Picchu, c'est cependant le passage obligé avant d'accéder à la mythique ville inca.

Toute la complication pour le voyageur vient du fait que cette ville n'est pas reliée au réseau routier. Il n'est possible d'y accéder qu'a pied ou en train.

A pied

Il est possible de faire un trek de 5 jours aller-retour. Mais je n'avais pas autant de temps devant moi, je ne me suis donc pas renseigné à ce sujet.

En train

Trajet direct proposé par PeruRail à 800 USD aller-retour. L'aller se fait impérativement avant 9:00 du matin et le retour entre 15:00 et 18:00, ce qui est très contraignant, vous obligeant à faire l'ensemble dans la journée (ou en deux jours complets, dont un à traîner dans Aguas Calientes, sinistre), donc à arriver au Machu Picchu trop tard, vers 11:00, quand il fait trop chaud et qu'il est rempli de monde. Car, oui, le train est super lent : du 20 KMh environ.

Une très mauvaise solution à mon avis, sauf si vous êtes très riches et que vous voulez juste prendre un selfie vite-fait devant le temple du soleil pour dire « j'y étais ».

Approximations pour un aller simple : 3h40 pour 400 USD

En bus et en train

D'abord, en taxi collectif ("collectivo"), jusqu'à Ollantaytambo (la dernière gare avant Aguas Calientes) pour 10 PES (3 USD).

Le train coûte 200 USD aller-retour chez PeruRail, mais une autre compagnie, IncaRail, propose le même service. C'est la solution la plus populaire et celle que j'ai choisie pour le retour.

A l'aller, cette solution vous permet de récupérer le train de 19:00 de PeruRail pour arriver à Aguas Calientes autour de 21:00, d'y dormir vite fait et d'être au Macchu Picchu le lendemain pour l'ouverture à 6:00 VERIF.

Approximations pour un aller simple : 3h30 pour 103 USD

En voiture et à pied

Vous voyez sur le plan que la voie ferrée (en rouge) dépasse Agua Calientes pour s'arrêter à une centrale hydroélectrique ? Cette portion de la ligne est très peu utilisée. L'idée est donc d'atteindre cette centrale et de finir à pied en marchant dans la jungle le long du rail.

Depuis le centre de Cusco, prendre un taxi individuel pour le terminal de Quillabamba (5 PES), puis un collectivo vers Santa Maria (40 PES), une route récente, un autre collectivo vers Santa Teresa, ou, si possible, directement vers la centrale hydroélectrique (15 PES). Total : 60 PES.

Certes c'est 5 heures de voiture, puis 2-3 heures de marche, ça peut faire beaucoup. Surtout que la voiture peut être un peu éprouvante sur certains segments (attitude, courbes, vitesse...). Mais c'est l'expérience andine, par exemple :

  1. les lacets vertigineux que le conducteur aborde à toute vitesse, après avoir pris une grande inspiration et fait un rapide signe de croix 
  2. les 10 derniers kilomètres avant le col d'Abra Malaga, autour du hameau Tastallo, qui sont l'un des  plus beaux paysages de montagne que j'ai vus. Le col, perché à 4316 mètres, embrumé, nous fait basculer des pâturages arides a la jungle humide en un instant 
  3. la pause déjeuner avec mes co-voitureurs péruviens, sur le bord de la route, sous le regard sévère des mamitas : un chicharron avec plus de moustiques que de porc dans la viande ;
  4. un classique des voyages dans le tiers-monde mais c'est toujours très dépaysant : l'heure de trajet avec une dizaines de poules dans la voiture.

Par contre, je me suis fait surprendre par la nuit alors que je marchais seul le long de la voie ferrée et j'ai fait la dernière heure à toute vitesse, avec ma petite loupiote comme seule lumière, pressé par les bruits et les mouvements de la jungle.

Donc, un petit conseil : ce parcours vous permet d'arriver un peu quand vous voulez à Aguas Calientes mais l'idéal est de partir de Cusco avant 10:00 le matin pour arriver avant 18:00, avant la tombée de la nuit, surtout si vous êtes seul.

Ce parcours m'a été soufflé par une veille dame à Cusco, comme on révélerait un secret, et je pensais être plus malin que tout le monde en le prenant. Mais il s'agit d'un classique des routards fauchés et la voie privilégiée des péruviens, pour qui les tarifs des trains (même préférentiels) sont exorbitants.

Approximations pour un aller simple : 8h00 pour 18 USD

D'Aguas Calientes au Machu Picchu

On est presque arrivé, mais la aussi ça mérite une petite explication :

En bus : 4 USD aller-retour. 15 petites minutes. C'est rapide et pratique, mais là aussi très cher pour le service fourni.

A pied : 1 heure de marche environ. C'est le choix des sportifs et des routards. Mais attention, il n'est pas possible d'acheter son entrée à l'entrée du Machu-Picchu (je sais…) et cette contrainte n'est indiquée nulle part sur place. Donc, prenez soin d'acheter votre billet au Centro Cultural situé a 3 Km de la, tout près du... point de départ des bus ! Quels coquins !

Il y a quelque chose qui cloche chez Pachacútec

De Cusco, il n'est donc pas facile d'aller au Machu Picchu, à moins de payer une fortune. J'ai vraiment l'impression d'un tourisme à deux vitesses, plus qu'ailleurs : les riches pigeons étrangers descendent la rivière Vilcanota en train alors que les autres la remonte à pied. C'est violent.

Et puis, tout est fait pour que tu te sentes comme une grosse merde si tu ne prends pas le full package premium. Hors du train, aucun aménagement n'est prévu par les autorités, aucune communication n'est faite sur les différentes alternatives, on demande parfois deux impressions du ticket d'entrée aux voyageurs l'ayant acheté sur Internet (donc sans passer par une agence), les prix des bus sur place sont en USD avec un taux de conversion en PES très défavorable, les voyageurs ne prenant pas le bus subissent deux fois plus de contrôles d'identité et doivent traverser une décharge…

Tout ceci profite principalement aux deux compagnies de train privées, qui remplissent leurs trains au tarif de 40 USD le Km.

Cette opacité profite aussi aux innombrables petits tour-opérateurs de Cusco, qui peuvent rendre plus attrayants leurs packages bricolés.

Il serait souhaitable que les autorités obligent les compagnies ferroviaires à faire circuler plus de trains à des prix plus honnêtes. Ou, idéalement, construisent une route. Ou, plus réaliste, officialisent et aménagent le chemin partant de la centrale hydroélectrique. Cependant, aux dernières nouvelles, il est plutôt question d'une privatisation de la gestion du site archéologique.

Il y a quand même un avantage à cette situation : avec plus de 1000 visiteurs par jour en moyenne le site du Machu Picchu se dégrade. Avec un accès plus facile, ça serait pire. Mais il y a d'autres moyens pour préserver ce trésor : le site est déjà limité à 2500 visiteurs par jour, cette limite peut être baissée.

Et sinon ?

Oui, le Machu-Picchu c'est magique. Plus petit que ce a quoi je m'attendais, mais tout de même très impressionnant. Plus encore que le Taj-Mahal ou Angkor Wat à mon humble avis. C'est la rencontre entre les beautés du site naturel et des ruines qui est exceptionnelle. Une fois sur place, j'ai complètement oublié toutes ces petites frustrations.