Je ne suis pas fier de moi. Moi qui peut être très "précis-pointu-pénible" sur les sujets qui me tiennent a cœur, je n'ai jamais considéré sérieusement la cachaça, n'ayant aucun scrupule à la remplacer par du rhum pour faire des caïpirinhas. Une hérésie pour les brésiliens...

Une hérésie, vraiment ? On savait déjà que la cachaça, ce n'est pas de l'eau, mais est-ce un alcool distinct du rhum ?

Prenons comme point de départ la définition de cet article de Slate :

Cousine proche du rhum agricole [...], elle en diffère par son indication géographique, sa douceur patinée de cire et son cahier des charges, en premier lieu par sa fermentation et sa basse température de distillation.

Voyons ceci point par point.

1. L'indication géographique

La cachaça est élaborée obligatoirement sur le territoire brésilien. C'est une AOP reconnue "mondialement" (je met entre guillemets, car hors Union Européenne ce type de reconnaissance est au cas par cas, bilatéral et souvent compliqué).

Cependant, une origine géographique ne définit pas un spiritueux. Par exemple, puisqu'on l'a évoqué récemment : le pisco est chilien ou péruvien, le singani forcément bolivien, le cognac forcément français et la grappa italienne. Mais, quel que soit l'origine, c'est toujours du brandy. De même pour le bourbon, forcément produit aux EAU, et le scotch, forcément écossais. Ce sont tous deux des whiskys.

Donc, l'indication géographique seule ne fait pas de la cachaça un alcool distinct du rhum.

2. La "douceur patinée de cire"

J'aime bien cette expression, c'est poétique. Les rhums sont habituellement fabriqués à partir de la mélasse, qui correspond aux cannes broyées et récupérées après la fabrication du sucre. C'est plus économique. La cachaça est quand à elle systématiquement fabriquée a partir de cannes à sucre fraîchement coupées. Hmm !

Cependant, il existe de nombreux rhums produits sans passer par la mélasse. Attention troll : Comme les rhums martiniquais ou guadeloupéens, par exemple, c'est pour cette raison qu'ils sont souvent meilleurs que les rhums réunionnais.

Donc, la qualité de la matière première ne suffisent pas a faire de la cachaça un alcool distinct de certain rhums.

3. Le cahier des charges

La cachaça est distillée à 40°, et immédiatement embouteillée, contrairement au rhum agricole, qui lui, est distillé à 65-75° et ramené aux degrés souhaités par adjonction d'eau de source (seul le rhum vieux est vieilli en fûts de chêne) [Source].

OK, ça, ça semble être une particularité de la cachaça. Cependant si on regarde les autres spiritueux, on trouve ce type de distinction ailleurs, par exemple parmi les gins. Je ne maîtrise pas beaucoup le sujet mais je crois savoir que le gin hollandais est habituellement distillé à 70° environ avant d'être ramené à 40°. Le gin anglais peut lui monter à 96° au cours du processus. Dans les deux cas, ça reste du gin.

Donc, non, je ne vois pas en quoi la cachaça serait un alcool différent du rhum. C'est un bon rhum, certes, je me régale et je comprend la fierté des brésiliens, mais c'est du rhum, point.