Nous sommes dans un club en Colombie, n'importe quel club, n'importe quelle Colombie. La soirée commence et la salle se remplit rapidement. Deux groupes masculins se forment : les gringos et les latinos, forcément. Au bar, tout le monde est pote, mais sur le dancefloor, la guerre se prépare. Qui va conquérir les jolies colombiennes ? Il y en aura pas pour tout le monde.

Très rapidement, les gringos prennent nettement l'avantage, sans avoir besoin de faire grand chose. Les colombiennes les dévorent du regard ou viennent les chercher pour danser. Certains latinos ont déjà le regard plongé dans leur verre d'aguardiente anisée, maudissant par exemple ce blondinet en marcel qui n'a comme charme que sa blondeur, et ses yeux clairs derrière son regard bovin. Que la vie semble injuste !

Mais d'autres y croient encore. Ils savent que le vent va tourner. Il finit toujours par tourner. Aussi clairs et grands que peuvent être ces nouveaux conquistadores, il y aura toujours dans la soirée ce moment où ils tomberont de leur piédestal. Il faut donc jouer contre la montre, éviter que trop de colombiennes aient disparues dans ces bras rougis par le soleil avant le moment tant attendu, en payant des tournées au bar par exemple.

Enfin, vient le moment de la revanche, il est minuit et le DJ cesse sa programmation internationale et envoie la salsa. La salsa, enfin. En un instant, tous ces fiers gringos sont perdus. Qu'est ce que c'est que ce rythme ? Ou est la basse ? Quel est le temps fort ? Comment ça se danse ? Ça à l'air compliqué ! Ils commencent à gigoter maladroitement, incapables de suivre les mouvements de plus en plus enthousiastes et sophistiqués des colombiennes.

C'est l'exode des gringos vers le bar, peinés, déboussolés, humiliés. La place est libre pour les salseros qui agrippent vigoureusement les mains et les hanches des jolies colombiennes, mettant à profit leur maîtrise de la clave. Car il y a une justice dans les clubs colombiens, et elle a la voix de Joe Arroyo.

Vite vite, cependant. Il ne faut pas trainer car dans deux heures, c'est le final ragga/dancehall et c'est chacun pour sa peau.