Me voici à Cuba et, comme attendu (et discuté dans les commentaires du précédent billet), le pays n'est presque pas connecté à Internet. Selon

Mais pourquoi ?

Le problème va au delà de la défiance habituelle d'un régime autoritaire pour l'ouverture au monde que représente Internet.

Même si le gouvernement voulait vraiment améliorer la situation, ça serait une tâche difficile car le câblage sous-marin des caraïbes contourne systématiquement Cuba (à l'unique exception du câble Alcatel reliant l'île au Venezuela depuis 2012). Ceci serait dû autant au manque d'initiative de Cuba pour être relié dans les années 1990 qu'au sévère embargo imposé par les États-Unis encore aujourd'hui.

Internet semble être plus une ressource rare donc rationnée qu'une menace contrôlée par le régime, ici. D'ailleurs, je n'ai constaté aucune censure (même si je me doute qu'elle existe).

Comment font les gens ?

De 1 à 3% de la population a un accès direct à Internet. Les autres cubains (30% de la population) et les touristes peuvent acheter des cartes internet dans une agence gouvernementale. Ces cartes sont utilisables dans des hotspots : les hôtels de luxe ou certains parcs publics. Le coût : 2 CUC (soit 2 USD) pour 1 heure. C''est beaucoup pour un cubain, mais pas pour un touriste. Mais, à Cuba comme dans la défunte URSS, ce n'est pas le prix qui exprime la vraie valeur d'un bien ou service, mais la longueur de la queue pour l'obtenir. Comptez une petite heure pour acquérir la précieuse carte à l'ETECSA de la calle Obispo, et n'oubliez pas votre passeport.

Il y aurait 35 hotspots de ce genre dans le pays, principalement à La Havane. Rien que pour la capitale : 2,1 millions de personnes (55 000 par jour, 8 000 en simultané) se partageant moins de 35 adresses IP. Vous imaginez le désastre ?

Les problèmes sont courants : cartes défectueuses (10 minutes de conso plutôt que 1 heure), coupure de connexion toutes les 2 minutes (ce qui rend très difficile l'achat d'un billet d'avion), connexion ultra lente, requêtes perdues en chemin... associés au manque de confort de la navigation debout dans la rue, sous le soleil ou sous la pluie, ou contre le mur d'un palace. Sur une heure de carte, vous pouvez avoir seulement 15 minutes vraiment utiles.

Certains vendeurs de rue vendent illégalement des cartes. Pour 1 CUC de plus, vous pouvez éviter l'heure de queue et surtout ne pas montrer votre passeport. Mais ces cartes, pourtant identiques et probablement tombées du camion, sont encore moins fiables que celles vendues officiellement.

SNet

Cependant, il y a une rumeur qui m'a beaucoup plu. SNet serait un réseau local illégal, basé sur les technologies d'Internet (TCP/IP) mais séparé du réseau mondial. Une sorte de LAN qui réunirait 9 000 ordinateurs à La Havane, à l'aide de petites antennes Wi-Fi et de câbles tirés entre les immeubles. Sur ce réseau, il y a un Web privé qui héberge quelques sites, notamment un miroir de Wikipédia.

Des réseaux similaires auraient été créés dans d'autres villes de l'île. Cependant, il est difficile d'avoir des informations, que ce soit sur place ou sur Internet. SNet utilise-t-il des adresses IP fixes ou du DHCP ? Il y a-t-il un système DNS pour les noms de domaines ou tout passe par des fichiers hosts (comme c'était le cas sur Internet avant 1984) ? A part le Web/HTTP et du jeu en réseau, quelles autres applications sont disponibles ? Il y a une nétiquette (pas de porno, pas d'insultes...) mais comment s'organise la gouvernance ? Qye de mystères...

En savoir (pas beaucoup) plus :