À la campagne

À la sortie nord de la Cueva de la Vaca, le lumière est éblouissante. Pendant que nos yeux se déshabituent de l'obscurité, j'en profite pour faire le point. Devant nous (Simone et moi), la vallée de la Guaasasa, si on continue tout droit, on peut atteindre la Cueva del Palamarito dans moins de deux heures. On fera le point quand on atteindra l'église, à moins d'un kilomètre si j'en crois ma carte numérique.

Le kilomètre se traverse à toute vitesse, le pas pressé par les sévères regards de puissants taureaux noirs et par la chaleur du brûlant soleil. Mais pas d'église. Nulle part. On rebrousse chemin, on tourne un peu en rond. La vallée est plane et vide à l'exception d'un arbre gigantesque à son milieu. Où se cache-t-elle ? Se serait-on trompé de direction ?

Abrité sous l'arbre, nous étudions la carte de nouveau. Je remarque qu'il y a de la petite monnaie sous le sol. Une, deux, trois… des centaines de pièces de monnaies autour de l'arbre. Je fais le tour et, surprise, entre chaque virage des majestueuse racines, je trouve des statues de toute sortes : une drôle de Moaï, un Bouddha rieur maquillé, un Jésus berger décapité. Des bols, eux aussi remplis de monnaie. Des os de poulets. Et plusieurs oranges encore fraiches qui prouvent que ce lieu de culte a été utilisé très récemment.

Là, je comprend. L'arbre est l'église ! Je suis dans un lieu sacré de la Santeria.

OpenStreetMap

La même histoire est arrivée à Kelly Holman, ce qui m'incite à ouvrir une petite parenthèse pour vous parler de ce projet extraordinaire mais trop méconnu qui est OpenStreetMap. C'est en quelques sortes le Wikipedia des cartes : tout le monde peut contribuer et les données saisies sont disponibles sous licence libre ODbl.

Au delà de l'aspect éthique, OpenStreetMap a des atouts certains face à son concurrent principal : Google Maps. Ses données sont plus structurées, mieux qualifiées, et si les grandes villes occidentales sont (très) loin d'être aussi bien couvertes qu'avec le service de Google, le reste du monde est souvent bien mieux représenté, jusqu'à un arbre sacré au milieu de la campagne cubaine !

Cependant, au contraire de Google Maps, il n'est pas courant d'utiliser directement le site openstreetmap.org, qui manque un peu d'ergonomie, mais plutôt une application ou un autre site reposant sur ses précieuses données. Comme maps.me par exemple, la populaire application open source de cartographie offline pour smartphone.

En ville

Je me promène dans La Havane. De la musique, différente, assourdissante, provient d'un appartement. Je m'arrête et je lève les yeux, croisant le regard d'un mystérieux homme qui m'invite à entrer. La porte de l'immeuble est ouverte, je monte les escaliers. Il n'y a pas de palier. J'arrive directement dans l'appariement, gigantesque et bourgeois, ou une centaine de personnes hochent lentement et hypnotiquement la tête au son de trois immenses tambours.

Mon arrivée ne passe pas inaperçue. La moitié de la salle s'interrompt et me regarde avec hostilité. Je me sens super mal, je cherche à sortir mais je suis déjà bloqué par la foule. Je cherche donc désespérément des yeux l'homme m'ayant invité à monter, il n'est nulle part. Une très vielle dame, qui était jusqu'alors face aux trois tambours s'approche lentement de moi. C'est la maîtresse de maison. Elle me dévisage pendant de longues minutes, puis s'éloigne. Un homme cordial vient alors à ma rencontre et je comprend que je suis accepté dans la cérémonie.

Il me fait visiter l'appartement. Près de la cuisine, une salle entière est consacrée à un grand autel bleu, avec une petite statue sans visage et beaucoup de dons sur le sol : principalement des poulets grillés et des pâtisseries de toutes les couleurs.

Deux femmes sortent de la cuisine, une avec une sorte de melon entre les mains, l'autre avec un bol d'eau. Elles démarrent une procession dans l'appartement, vite suivie d'une quinzaine de personnes, dont moi. Lors du parcours, la femme au bol asperge les murs avec son eau. Elles arrivent face aux tambours et la femme au melon s'écroule. Elle fait la morte 3 minutes puis se relève. Tout le monde s'exclame et fait le signe de croix. Les tambours reprennent ainsi que les hochements hypnotiques.

Ici aussi, la Santeria.

Bilongo et orishas

Le lendemain, je suis au bar avec Efrain qui m'explique ce que j'ai vu en buvant un cocktail Bilongo :

  • Base: Rhum Blanc
  • Corps : Jus de citron jaune
  • Additif : Miel

L'arbre de Vinales est un arbre sacré de l'espèce Ceiba, qui permet de rendre hommage à l'ensemble des orishas (demi-dieux de la santeria, souvent associés aux saints catholiques).

La cérémonie de la Havane, c'est un "cajon para egun", célébrant un enterrement, egun étant "l'ancêtre", le décédé. Mais l'autel près de la cuisine est probablement permanent et dédié à Yemaya, la vièrge de Regla pour les catholiques, une orisha de la mer.