Good Luck, Mr. Gorsky!

Le Johnson Space Center étant situé à 35km du centre-ville, je devais trouver un moyen d'y accéder en transports en commun sans galérer pendant des heures. Ambitieux programme.

Hier soir, j'étais invité à dîner chez Janelle, une sympathique amatrice de whisky rencontrée la veille. C'est donc à table, entouré de ces nombreux colocataires, que je demande conseil pour mon trajet. Plusieurs voix s’exclament : Ben, on t'y amène demain si tu veux !. La moitié de la table travaille à la NASA.

Par exemple, A. travaille sur le guidage de la fusée CST-100 Starliner, pilotée depuis un satellite. Sa passion : brasser sa propre bière.

M. étudie la désorientation des astronautes et me propose, sans succès (je suis plus tenté par la dégustation de la bière d'A.), d'être le sujet de son dernier test : marcher et écrire avec un casque de perturbation sensorielle, tout en recevant des décharges électriques dans le crâne. Sa passion : mettre des électrodes sur sa charmante petite amie, qui a tout naturellement été désignée comme cobaye à ma place :

Les autres, je ne sais pas trop ce qu'ils font. J'aurai dû deviner que j'étais dans une maison de scientifiques puisqu'ils utilisent le système métrique.

Welcome aboard

Ce matin, nous partons donc ensemble à la base et j’espère secrètement qu'une telle compagnie m'ouvrira des portes habituellement closes au public.

Mais non, je me suis rapidement retrouvé mélangé aux visiteurs du Space Center Houston. Car il y a en fait deux structures distinctes dans la base :

  • Le Johnson Space Center, qui est la base à proprement parlé. Elle est, avec Cap Kennedy, l'une des deux bases les plus connues de la NASA, puisqu'elle abrite le seul centre de formation des astronautes et le mission control le plus célèbre.
  • Le Space Center Houston, qui est une sorte de parc d'attraction (à but non lucratif!), composé d'un seul immense bâtiment (avec des expositions, des jeux, des films, des boutiques...), mais proposant aussi des excursions dans les buildings du Johnson Space Center. Vous suivez ?

Franchement, quand j'ai découvert ceci, j'ai eu très peur. Mais je dois admettre que c'est vraiment sympa et bien organisé. Du Space Center Houston, je retiendrai :

  • La pierre lunaire, qui est une des huit présentées au public dans le monde, et qu'on peut toucher. J'ai touché une pierre lunaire ! Oui, oui !
  • La capsule originale de Mercury 9 qui a été récupérée en plein pacifique après la mission.
  • Une replique à l'identique, sauf machinerie et électronique, des 5 navettes spatiales américaines. Il fait super froid dans la navette, l'air conditionné installé par les cousins Dal Molin fonctionne à fond.

Des excursions dans le Johnson Space Center, j'ai beaucoup aimé :

  • La fusée Saturn 5 à la retraite, allongée dans un entrepôt. 111 mètres de bonheur. Et 2800 tonnes. Ça en fait du bonheur, dis donc.
  • La Space Vehicle Mockup Facility, où on voit les gars bosser sur du matos futuriste, dont une réplique strictement identique de l'ISS. Il y a même des ateliers Dragon. Je ne savais pas que la collaboration entre la NASA et SpaceX était si étroite.
  • Et surtout le fameux Mission Control. En fait, il y en a deux. Celui qu'on visite est le plus ancien et le plus connu, c'est celui des missions Gemini, Appolo et Space Shuttle. Aujourd’hui, depuis 1992, ce sont trois autres salles du même bâtiment qui sont utilisées pour les missions de l'ISS.

C'était super. Mais si c'était à refaire, je prendrai plutôt le ticket Level 9. C'est cher, mais ça vaut clairement le coup. 

Lunch with an astronaut

Certains vendredis, un astronaute vient faire une petite présentation dans l'une des salles du Space Center Houston, et il est possible de déjeuner avec lui monnayant l'achat d'un billet spécial. Évidemment, j'ai craqué et j'ai acheté ce billet.

Cependant, la chaise à ma gauche est restée inoccupée tout le long du repas. Et quand Don Thomas, 4 missions et 42 jours dans l'espace, est arrivé au moment du dessert, ce fut pour faire une variation, certes très vivante et intéressante, de sa conférence matinale. Il a fait le show et j'étais un peu déçu.

Quelques heures plus tard, alors que je quitte la base pour rejoindre l'arrêt de bus, on m'interpelle. Je me retourne, c'est Don qui a quitté sa tenue NASA pour ses habits de ville. Il me demande si j'ai apprécié la visite et nous avons enfin cette discussion tant espérée.

Bombardement de questions. Il écoute principalement du Pink Floyd pendant ses missions, et il a amené le disque Dark Side Of The Moon à chacune d'entre elles. Il n'y a pas de sono dans les navettes. On peut cependant brancher les baladeurs CD (on parle de la période 1994 – 1997) sur des petits hauts parleurs de contrôle, mais personne ne le fait car le son est trop mauvais et, surtout, car il y a la crainte de gêner les autres membres de l'équipage (vivre à 7 dans 71m3 pendant 2-3 semaines, dans des conditions plus que spartiates, ça demande des nerfs d'aciers).

Il me dit aussi que son film spatial préféré est Apollo 13 car il est réaliste. Il ne peut pas apprécier un film qui prendrait trop de liberté avec la réalité. Gravity était OK, sauf les premières minutes avec le MMU qui va bien trop vite et qui est trop maniable. Interstellar, c'était du grand n'importe quoi, mais il a été touché par l'idée du voyage dont on ne revient pas.

Comme il a beaucoup insisté sur les changements physiques et psychologiques pendant les séjours dans l’espace, j'ai voulu lui demander si la libido est elle aussi perturbée, mais je n'ai finalement pas osé.

Shuttle

Je lui demande si j'irai un jour sur la lune. Il me répond que non, mais que, grâce au développement du tourisme spatial, je pourrai aller en orbite si je le souhaite. Dans 20 ans ?. Bien avant, bien avant…

Je m'éloigne de la base la tête dans les étoiles et, rêvant de voyages extra-terrestres, j'ai attendu un bus qui n'est jamais venu.