La meilleure façon de se venger d'un ennemi, c'est de ne pas lui ressembler.

Marc-Aurèle in Pensées, chapitre 30

Larmes

J'ai fini par pleurer. Rien sur le moment. Rien lors de la marche qu'on a organisée le lendemain. Les larmes sont arrivées cet après-midi alors que je traînais a la terrasse d'un café, dans la chaleur étouffante de Santa-Cruz, profitant de ma première bonne connexion internet depuis des semaines.

Internet ! J'en profite, je rattrape mes billets de blog en retard, je répond a quelques e-mails, et je lis la presse. Et je tombe sur l'article de Libération compilant les photos et les bios des victimes. Comment ne pas pleurer ? Comment ne pas me sentir concerné ? Ce sont mes voisins, ils ont mon âge, ils fréquentent les mêmes restaurants, bars et salles de concert, ils font les mêmes jobs que moi et les copains... Ce sont des copains, en fait, qui sont morts vendredi, mais des copains que je ne connais pas et que je ne connaitrai jamais.

Quelques minutes avant, je lisais le rapport 2015 de l'UNICEF sur la mortalité infantile : 16000 morts par jour dans le monde, souvent dans des conditions abominables. Ça m'a choqué, mais pas ému. C'est resté dans l'intellect. Ce sont des chiffres, pas des copains.

Marche

Alors, on a organisé une marche le samedi 14 novembre dans les rues de Sucre, la capitale de la Bolivie. Martin et moi avons conçu et imprimé des affiches. Et, avec l'aide d'Amaury et Quentin, nous avons essayer de rameuter du monde, notamment les français rencontrés en bar et en boite le vendredi soir. Très peu sont venus. Beaucoup s'en moquaient. Il y en a même un, avec une gueule de versaillais chic, qui semblait s'en réjouir. « Bien mérité », a-t-il dit avec un petit sourire narquois. Peut-être souhaite-t-il le chaos.

On a marché dans le ville, du consulat français à la petite tour Eiffel du parc Bolivar, avec moins de français qu'espéré mais avec des israéliens, belges, anglais et boliviens. C'était beau.

Haine

Mon analyse ne diffère pas de celle de l'attaque de Charlie Hebdo en janvier. Le terrorisme islamiste, c'est l'extrême droite. Daech, réactionnaire, organique, nihiliste, c'est un régime d'extrême droite.

Le Front National et ses petits copains aux cranes rasés, s'ils étaient dans le sable et le sang bouillants d'Arabie plutôt que dans les coquettes maisons de Provence, ils seraient les bourreaux de l'État Islamiste. Ils ont le logiciel pour ça, bien ancré dans leurs petites têtes, seules les conditions de vie changent, et c'est tant mieux pour eux.

Vous avez remarqué que les cibles des islamistes sont précisément ceux de notre extrême-droite locale ? Déjà, le World-Trade Center, symbole de l'Amérique mondialiste et cosmopolite. Et si on s'en tient aux drames français récents :

  • Mars 2012 : 3 musulmans et 4 juifs tués. On a même initialement cru que le tueur était néo-nazi.
  • Janvier 2015 : 17 tués dont 12 chez Charlie Hebdo, un journal de gauche anti-clérical et ennemi du FN, et 4 juifs à l'hyper-cacher.
  • Novembre 2015 : Bichat, Charonne, République… le fief de la jeunesse parisiano-bobo, "bien-pensante", parfois gay ou féministe, des quartiers mixtes, colorés, et plutôt apaisés, au milieu desquels se dresserait un temple sioniste, soit tout ce que détestent nos fafs nationaux.

Troublant, non ? Quelle proximité dans la haine ! Ce sont les mêmes types de victimes que celles d'Anders Breiving (77 morts a lui seul en 2011, principalement des jeunes socialistes) ou que celles du tueur de Trollhättan cette année, deux nazis.

Les extrêmes-droites islamiste et chrétienne/païenne prétendent s'opposer, se menacer, mais ce ne sont que des impostures et c'est toujours nous qui prenons les balles, les bombes et les coups ; oui, nous, les démocrates, les progressistes, les humanistes, les libéraux, les laïcards, les pacifistes, les intellos, les juifs séculiers, les immigrés intégrés, les jeunes, les enfants ou le simple passant. Toujours les mêmes.

Pour certains, cette proximité est assumée. Gábor Vona l'a proclamé. Alain Soral en a fait son credo avec succès. La Manif Pour Tous l'a fait ostensiblement défiler dans la rue. Mais elle ne l'est pas encore suffisamment pour que la France se méfie.

Poutine prétend frapper les djihadistes en Syrie mais 90% de ses bombes sont volontairement lâchées sur les rebelles du CNS. Si la fille Le Pen arrive au pouvoir en France, à qui s'en prendra-t-elle en priorité ?