So, won't you come with me;
I'll take you to a land of liberty
Where we can live - live a good, good life
And be free.

J’ai prolongé mon séjour en Éthiopie d’une petite semaine. Parce que le pays me plaît (même si mon regard est devenu plus sévère ces derniers jours), et pour me permettre de visiter Shashamane qui m'attire depuis la lecture d'un article du Courrier International, en 2008.

Open the gate

Je ne vais pas écrire ici l'histoire de ce lieu, car d'autres l'ont déjà fait. Notamment Antoine Calvino qui a publié plusieurs articles à ce sujet :

Confusion

C’est le drapeau de la Jamaïque !

Johann Le Rouge, brandissant un briquet vert-jaune-rouge

En Éthiopie, et plus encore à Shashamane, il est difficile de dire ce qui relève de la culture rasta et ce qui est issu de la culture traditionnelle éthiopienne, tellement la première a emprunté à la seconde.

Les éléments communs sont innombrables : Haïlé Sélassié, lions omniprésents, notamment le Lion de Juda, africanité glorifiée (et souvent ramenée à la seule Éthiopie), Sion (et l'Arche d'Alliance) en Éthiopie (et non en Palestine), black, gold & green...

Même le régime Ital version emmanuellite ressemble beaucoup a celui des jours maigres du christianisme orthodoxe éthiopien.

Il y a deux différences majeures tout de même :

  • Chez les rastas, la personne d'Haïlé Sélassié remplace celle de Jésus Christ. Pour les éthiopiens, leur dernier empereur est certes un grand chef d’état (son prestige ne semble égalé que par celui de Menelik II), mais pas forcement une figure positive pour tous (son autoritarisme a laissé quelques mauvais souvenirs) et en aucun cas une figure divine (c'est même un blasphème de penser ceci).

  • Le cannabis n’est pas consommé par les éthiopiens (qui ne fument même pas de tabac) et est très mal considéré. Alors qu’il a une place centrale dans la liturgie rasta.

Repatriation

Je n’ai rencontré que trois touristes : deux anglais qui se demandaient ce qu’ils faisaient là et qui avaient très hâte de partir, et un canadien rasta qui était extatique et qui comptait même s’installer.

Les touristes blancs doivent être majoritairement des rastas, car les enfants éthiopiens m’interpellent en criant rastaman et non l’habituel faranji (qui signifie français en amharique, mais qui désigne tous les blancs).

J’ai été invité chez Sista Sandrine, Ras Alex et leurs deux enfants, ou j’ai rencontré deux de leurs amis, des guadeloupéens. Ils sont tous de nationalité française et installés a Shashamane depuis 12 ans. Leur accueil a été très amical et j'ai été passionné par notre discussion.

Sandrine et Alex sont propriétaires d'un lodge qui est très bien tenu.

Cohabitation

Beaucoup de choses positives ont été dites hier soir, mais ils ont aussi confirmé a demi-mots ce que dit Antoine dans ses articles : la cohabitation avec les éthiopiens est difficile.

Il est maladroit de comparer la sympathique expérience de Shashamane avec l’effroyable drame humain qu’a été la création du Liberia, mais on peut observer dans les deux cas qu'après 400 ans de séparation les noirs d’Amérique sont désormais des étrangers en Afrique. Et que leur venue peut créer des conflits.

Le contraire aurait été étonnant. Et il est même rassurant de constater que l’africanité n'est pas dépendante du taux de mélanine dans la peau.

Exodus

Je comptais rester deux-trois jours, mais je suis parti au bout de 24 heures. Parce que Shashamane n'est pas un lieu qu'on peut découvrir ainsi, en quelques jours. Pour le voyageur pressé que je suis cette semaine, c'est même une étape un peu difficile.

La petite communauté rasta n'est pas une attraction touristique. Ce sont de vrais gens menant une vraie vie, avec convictions et discrétion. Par contre, certains des 120 000 éthiopiens qui habitent autour, dans cette grande ville au développement anarchique qu'est devenue Shashamane, ont bien l'intention de profiter des visiteurs curieux et peuvent se montrer un peu agressifs.

Si vous comptez vous y rendre, préparez-vous à devoir prendre le temps de la découverte.