Watamu ("sweet people" en Swahili, je ne trouve pas de jolie traduction française) est habité depuis le 13ème siècle. Contrairement à Lamu et à la voisine Malindi, ça n’a jamais été une grande cité swahili, mais un charmant petit village, parfaitement situé entre un lagon paradisiaque et une vaste baie.

Depuis les années 1980, Watamu est une populaire destination touristique : une société cosmopolite de 1030 personnes, avec 16 hôtels et resorts de 2 à 5 étoiles, un grand nombre de villas privées, et qui a été élu deuxième meilleure plage de sable d'Afrique par CNN Travel en 2002.

Little Italy

Ma découverte de Watamu fut d'abord une agréable surprise : tout est italien. Les commerces, les visiteurs, les panneaux, les menus. Tout. J'aime beaucoup les italiens, et les italiennes, et j’étais ravi d'avoir une petite parenthèse européenne dans mon périple.

Mais il y a un malaise, des étrangetés, dans l'ambiance étouffante de Watamu. Les beach boys d'abord, erratiques et hésitants, et encore plus agressifs qu'à Lamu. Ensuite, l'accueil au premier hôtel ou je me suis présenté : je n’étais curieusement pas le bienvenue.

Laisse le flingue, prends les cannelloni

Je n'aurai pas immédiatement pensé à la mafia si Juan, journaliste à Saragosse, ne m'avait pas soufflé le mot autour d'un expresso aux amarettis.

J'ai trouvé l’idée amusante, au début. Mais après quelques heures de cogite (et de lectures sur le Web), plus vraiment :

  • Les nombreuses villas fermées au public et ultra-sécurisées ? Des mafieux en cavale ou à la retraite auraient choisis de discrètement s'isoler à Watamu. Oh ! Ils n'ont plus l'air si inoffensifs, ces petits papys habillés tout de blanc et accrochés aux belles et grandes prostitués kényanes.
  • Les établissements qui n'ont pas de clients mais ne souhaitent manifestement pas en recevoir ? C'est vrai que certains hôtels ont l'air trop calmes, même pour la basse saison. Serait-ce du blanchiment d'argent ?
  • Le monopole des italiens sur le business ? Des témoignages sur le Web font état d'intimidations envers les entrepreneurs kényans, qui n'auraient comme seule solution que de s'associer avec un italien.
  • De même, le peu de kényans employés s'expliquerait par une préférence systématique pour de jeunes expats italiens. Le deal de drogue et la prostitution sont des activités permises aux kényans, par contre.

Attention a ne pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des entrepreneurs italiens de Watamu. Je suis sûr qu'il y en a des biens. Hein ? Hein ?

Beach connection

Après avoir possession de ma chambre, je suis extrait de ma torpeur par de puissants hurlements. Un beach boy se dispute avec une employée kényane de l’hôtel, à mon sujet. Il a appris que j’étais descendu ici, il prétend que c'est grâce à lui et veut une commission. Sans succès.

La violence de l’échange m’inquiète et on m'explique qu'il est en manque de crack. La plupart des beach boys seraient toxicomanes, et l'absence de coopération avec les hôtels et les restaurants rend leurs affaires très difficiles.

La mafia fait transiter la cocaïne et l’héroïne destinée à l'Europe via la côte kényane, peu contrôlée, et Malindi et Watamu seraient au centre du trafic.

Le déclin

Ces activités ont fini par épuiser Watamu (et Malindi). Les locaux, découragés, ne viennent plus y chercher du travail, les commerces restées au mains des kényans (supérettes...) ferment les uns après les autres. Avec la crise en Europe, les italiens ayant acheté leurs maisons a très bas prix (blanchiment d'argent oblige) ne peuvent plus les entretenir. La violence liée au trafic de drogue devient dramatique. Les allemands ne viennent plus, les suisses non plus. Chaque année, la fréquentation baisse d'environ 10%.

Et quand les italiens partiront à leur tour, ils laisseront une population déboussolée, déstructurée, piégée par la drogue et la prostitution, sans avoir vraiment profité des retombées économiques de ces "investissements".

Pay the coast to be the boss

Les kényans ayant abandonné le rivage aux italiens, ils se retrouvent le soir dans quelques établissements en retrait, comme le sympathique Car 'N'Wash. Buvant une tusker en attendant que le dancefloor se remplisse, je fais fis des conseils groove de Dennis Edwards et je m'interroge. Qui tire les ficelles a Watmu ? Who is the boss ?

Je m'attendais qu'on me souffle un nom : Flavio Briatore. Ou Berlu ! Mais, silence...