Depuis l’épisode cubain de l'arbre-église, mon enthousiasme pour le projet OpenStreetMap (OSM, le "wikipedia" des cartes) n'a pas faibli et je contribue autant que je peux.
Crowd2Map
Par exemple, lors de mon trajet en bus entre Mombasa et Dar Es Salaam, j'ai profité des pauses pour ajouter quelques points dans OSM : deux postes de police, quatre stations services, une poignée de cafés... Rien de bien impressionnant, même si chaque petite contribution compte.
J'ai alors été contacté par Janet, qui s'occupe du projet Crowd2Map qui a comme objectif de cartographier la Tanzanie rurale avec la participation de la population (et de lutter contre l'excision par la même occasion), en commençant par la région de Mara.
J'aurai adoré rejoindre le projet, mais j’étais déjà a plus de 800km quand j'ai pris connaissance du message.
Fangirl
Sur Google Maps, la Tanzanie est plutôt vide (hors grandes villes et Zanzibar). Je me demandais ces derniers jours comment ce service fait pour rester dans la course sans avoir des personnes comme Janet. Google a beau être une entreprise riche et puissante, elle n'a pas, a priori, la force de frappe d'un regroupement mondial de 3,2 millions de contributeurs enthousiastes (dont 160 000 actifs chaque mois), et son service de cartographie risque de se faire distancier comme Encarta a fini par être écarté par Wikipedia.
C'est après avoir rencontré l’énergique Ann-Marie sur une plage de Zanzibar que j'ai compris. Google Maps a aussi sa communauté de contributeurs volontaires, et elle en fait partie.
Certes, j'ai été impressionné par le travail accompli (400 contributions en 5 ans), mais j'ai été aussi choqué que quelqu'un puisse consacrer ainsi autant d’énergie pour Google. En effet :
- Toutes les données que les contributeurs comme Ann-Marie saisissent sur Google Maps sont légalement accaparées par Google, qui en devient le seul propriétaire après une cession des droits d'auteurs "perpétuelle, irrévocable et mondiale". C'est du travail gracieusement offert à une entreprise qui poursuit ses propres intérêts, qu'on peut supposer distincts de celles des contributeurs.
- Chaque contribution est une saisie de données brutes (donc, beaucoup de valeur), mais n'est consultable par la suite que sous forme de carte (ou la valeur est restreinte a l'usage). Il y a donc une perte de valeur forte et immédiate pour le contributeur.
Contribuer à Google Maps n'est donc pas un bon plan, sauf pour Google bien sûr (et indirectement les utilisateurs non contributeurs). Pour info, c'est en réaction a la menace d'OpenStreetMap que Google a permis l’édition collaborative de ses cartes en 2008.
Ann-Marie ne connaissait pas le projet OSM, et j’espère la voir rejoindre la communauté un jour ou l'autre.
Plage, barbecues et POI
A Chembe, il n'y avait pas d'électricité cette semaine. Au Malawi (où 16 millions d'habitants se partagent la consommation électrique de 40 000 français), la distribution d’énergie obéit au principe du rolling blackout : les régions sont alimentées chacune leur tour.
Il me restait cependant quelques heures de batterie sur mon téléphone, ce qui m'a donné l'occasion de tromper l'ennui naissant en complétant la carte de la petite ville. C'est la première fois que je consacre un créneau à cartographier. Jusqu’à présent, je ne contribuais qu'au fur et a mesure de mes pérégrinations.
Avec 34 ajouts et une modification, ce fut une bonne session. Chembe est maintenant bien rempli, avec des points importants comme les pompes à eau "potable", les antennes de télécommunication qui servent de repères longue distance, et bien sûr le beach boys bar.
L’utilité pour la population est certaine, même si pas immédiate. Malgré leur pauvreté, beaucoup ont un smartphone Android (certes très bas de gamme, mais largement suffisant pour maps.me), qu'ils rechargent la journée avec des panneaux solaires posés sur la plage. Internet est rare et hors de prix mais, puisqu'il s'agit d'Android et d'OSM, les données sont en libre accès et ils peuvent se les partager par Bluetooth.
J'ai fait une démo à Gibson et Fixon, ils ont été bluffés. Spread the word!
Mieux que Pokemon Go
De plus, ce fut un après-midi très agréable, car ceci m'a poussé à l'exploration. Je découvert des endroits étonnants, j'ai fait des rencontres imprévues. Ce fut une jolie petite dérive psycho-géographique (l’éditeur avancé s'appelle Potlatch d'ailleurs !) Je recommencerai.